Le patron de Moderna propose un abonnement à la vaccination
Stéphane Bancel parle de l’adaptation des vaccins ARNm, d’un contrat avec la Suisse et il dévoile comment sont utilisés les bénéfices gigantesques réalisés par son entreprise.
Stéphane Bancel, de nombreuses personnes s’inquiètent d’une possible nouvelle vague causée par le variant Omicron. Quelle protection offre actuellement le vaccin Moderna après deux doses et après trois doses?
Nous avons récemment présenté de nouvelles données à ce sujet. La protection contre une infection avec juste deux doses de Moderna est nettement plus faible avec le variant Omicron. Cela ne m’a pas surpris, car Omicron présente de nombreuses mutations dans la protéine Spike. La bonne nouvelle: après un booster, le taux d’anticorps est à nouveau très élevé. Nous pensons que cela protège contre les hospitalisations et les évolutions graves. Le message est clair: les personnes qui ne sont pas vaccinées devraient le faire d’urgence maintenant et celles qui le sont déjà devraient recevoir un rappel le plus rapidement possible. Le variant Omicron est tellement contagieux.
Vos données sont donc comparables avec celles de Pfizer?
Pour les deux vaccins, la protection contre une infection diminue nettement si l’on a que deux doses. Mais avec le vaccin de Moderna, les personnes vaccinées présentent un taux d’anticorps légèrement plus élevé qu’avec celui de Pfizer. Ce n’est pas surprenant, car notre vaccin est plus fortement dosé.
C’est pour cela que l’on entend un peu plus souvent parler d’effets secondaires. Pourquoi votre vaccin est-il plus de trois fois plus dosé que celui de Pfizer?
Lorsque nous avons développé le vaccin en 2020, personne ne savait combien d’anticorps seraient nécessaires. Nous avons opté pour la dose la plus élevée qui présentait un bon profil de tolérance dans nos études. Chez nous, c’était 100 microgrammes. Pfizer, en revanche, avait des effets secondaires trop importants avec une dose de 100 microgrammes. Les deux fabricants ont opté pour la dose la plus élevée qui était bien tolérée. Des études ont montré que c’est pour cette raison que l’effet de notre vaccin dure un peu plus longtemps. Plus le temps passe, plus nous verrons de différence dans l’effet des deux vaccins.
Les vaccins ARNm ont le grand avantage de pouvoir être adaptés rapidement. Combien de temps faut-il compter avant de pouvoir injecter un vaccin adapté?
Il est important de bien expliquer cela pour éviter tout malentendu. Le développement d’un vaccin adapté prend environ 90 jours, peut-être même un peu moins. Ensuite, la question suivante se pose: les autorités d’homologation comme Swissmedic ou la FDA veulent-elles ou non une nouvelle étude?
On ne le sait pas encore?
Il n’y a pas de consensus à ce niveau-là. Certaines autorités veulent une étude, d’autres sont encore indécises. À mon avis, cela dépend beaucoup du nombre d’évolutions graves. Je n’aurais aucun problème à faire injecter un booster Omicron à ma fille ou à moi-même sans qu’une étude soit encore menée à ce sujet. Je connais le contexte scientifique, nous travaillons sur ce procédé depuis dix ans. Il ne faut que de petites adaptations pour Omicron. Je ne m’attends à aucun problème.
Combien de temps durerait ce type d’étude?
Au moins trois mois après les 90 jours de développement. Il pourrait donc s’écouler jusqu’à six mois avant que nous ayons un vaccin Omicron.
Et la production prendrait combien de temps?
Supposons que nous n’ayons pas besoin de faire une étude supplémentaire. Après les 90 jours de développement, on pourrait commencer la production. Pour l’instant, nous ne pourrions pas encore lancer la production, car nous attendons encore des informations importantes pour pouvoir développer le booster Omicron. Cela devrait prendre encore une ou deux semaines.
Quelle est la situation actuelle?
Nous respectons actuellement très bien nos objectifs de production et pouvons effectuer toutes les livraisons comme prévu. Pour la première fois, nous avons même 30 millions de boîtes en stock, ce qui n’avait jamais été le cas auparavant. Tout ne fonctionne pas encore comme avec un produit normal que l’on a en stock et que l’on peut envoyer immédiatement. Mais nous allons maintenant dans cette direction.
Vous développez actuellement votre production. Pour cela, vous avez conclu des partenariats avec certains pays. De quoi s’agit-il exactement?
Nous avons déjà conclu des contrats préliminaires avec le Canada et l’Australie. Nous sommes encore en discussion avec d’autres pays. Avec la Suisse également. Nous avons une série de nouveaux vaccins en cours de développement, par exemple contre la grippe ou contre le VRS, qui provoque une maladie respiratoire mortelle chez les personnes âgées et les jeunes enfants. Nous pouvons combiner ces trois vaccins ARNm en une seule dose. Nous proposons aux gouvernements de s’assurer des livraisons pour une quantité donnée pendant plusieurs années, puis d’investir dans une usine de production dans ce pays. En cas de nouvelle pandémie, nous pouvons développer très rapidement un nouveau vaccin. Ce pays sera alors livré en priorité, conformément au contrat.
Quelle est votre offre au gouvernement suisse?
J’aimerais conclure un partenariat sur le long terme avec la Suisse, incluant un engagement d’achat d’une certaine quantité. Nous pourrions ainsi livrer rapidement même en cas de nouveau virus. Notre objectif n’est pas de construire une nouvelle usine en Suisse. Mais il pourrait s’agir d’un partenariat entre nous, Lonza et le gouvernement suisse. Il est toutefois encore trop tôt pour donner des détails.
Quelle est la suite? Aurons-nous besoin d’une quatrième vaccination après le rappel?
Nous constatons que les groupes à risque, comme les plus de 50 ans, nécessitent un booster annuel. Pour les personnes de 30 ans, il n’y aura probablement pas besoin d’une autre vaccination après la troisième. En effet, le virus ne devrait plus muter aussi fortement. Les mutations diminueront avec le temps. Les plus jeunes pourraient certes recevoir un rappel tous les deux ou trois ans. Mais comme pour la grippe, tomber malade n’est pas aussi risqué pour eux.
Que pensez-vous d’une vaccination obligatoire?
Je n’ai pas de réponse à cela. Je n’y ai pas encore suffisamment réfléchi. Je passe tellement de temps à fabriquer des vaccins que je n’ai pas eu le temps de me poser cette question.
Honnêtement…
J’ai de la chance de ne pas être un politicien et de ne pas devoir décider d’une vaccination obligatoire. Car c’est une question très difficile. D’une part, chacun devrait avoir le droit de disposer de son propre corps. D’autre part, en cas de maladie infectieuse, le fait que je me fasse vacciner ou non a bien sûr une influence sur les autres. Je trouve que l’obligation de certificat est un modèle très intéressant.