Les coûts des publicités sur la COVID-19 que Québec n’a pas dévoilés

Parmi les frais, 700 000 $ pour des vidéos de rappeurs, 195 000 $ pour des messages audio automatisés d’artistes et des cachets versés à des médecins.

Le gouvernement n’a pas lésiné sur les moyens pour inciter les Québécois à respecter les règles sanitaires. Radio-Canada a obtenu les détails des coûts de cette campagne « sans précédent » de 13 millions de dollars par mois.

Nous avions interrogé le Conseil exécutif jeudi puis vendredi, sans obtenir de réaction à nos informations. Le ministère du premier ministre a plutôt pris l’initiative de dévoiler lui-même certains chiffres dimanche, mais pas tous.

Selon le gouvernement, il s’agit de la plus vaste campagne de communication jamais répertoriée dans l’histoire du Québec.

700 000 $ pour des vidéos d’une minute

Il porte un masque et est assis dans un bus.

Une publicité du gouvernement Legault pour sensibiliser les jeunes au port du masque met en scène le célèbre rappeur Loud.

PHOTO : GOUVERNEMENT DU QUÉBEC

Une des campagnes les plus chères a été réalisée au mois de juillet, avec les artistes Loud, Sarahmée, en français, ainsi que Zach Zoya et Naya Ali, pour les versions anglophones. Chacun est au centre d’une vidéo d’une minute pour encourager le port du masque.

La production de ces publicités destinées à la télévision, à la radio et a la page Facebook du ministère de la Santé a coûté 701 970 $.

Ce montant n’inclut pas les frais de placement publicitaire et de diffusion, mais uniquement les honoraires de l’agence de publicité Cossette, la production et les cachets d’artistes.

Les agents de Loud et de Sarahmée indiquent que leurs artistes ont touché une petite part du gâteau, rappelant que ces vidéos sont des grosses productions et que la facture monte très vite quand il y a autant de gens impliqués.

27 000 $ pour participer à un point de presse

Masqués, le premier ministre et les comédiens marchent dans les couloirs de la Place des Arts.

En mai, François Legault s’était présenté en point de presse avec les comédiens Sarah-Jeanne Labrosse et Pier-Luc Funk.

PHOTO : LA PRESSE CANADIENNE / PAUL CHIASSON

Dans la liste que nous avons obtenue, une seule dépense ne débouche sur aucune production. Elle est attribuée aux comédiens Sarah-Jeanne Labrosse et Pier-Luc Funk, qui avaient accompagné François Legault lors de son point de presse quotidien pour sensibiliser les jeunes à la COVID-19, le 25 mai.

L’agence MVA, qui les représente, explique qu’ils ont été payés pour associer leur crédibilité, leur notoriété à cette campagne. Il n’y a aucun mal à être rémunéré pour cela, rappelle l’agence. On représente des personnalités approchées régulièrement pour participer à des campagnes.

Le 23 mai, les deux artistes avaient aussi chacun publié une vidéo personnelle sur leurs comptes Facebook et Instagram pour sensibiliser au port du masque, mais rien n’indique qu’elles ont été payées par le gouvernement.

Une campagne sur TikTok avec des aînés

Radio-Canada a aussi découvert que le gouvernement finance un compte viral sur TikTok qui met en vedette des personnes âgées qui défendent le port du masque et la distanciation. La vidéo la plus populaire du compte @restepepe a été vue 1,3 million de fois. Rien n’indique qu’il s’agit d’une campagne gouvernementale.

Avec la collaboration de Justine De L’Église

34 500 $ pour une vidéo de 16 secondes

Le rappeur Koriass s'est filmé 16 secondes pour les réseaux sociaux du ministère de la Santé.

Le rappeur Koriass s’est filmé 16 secondes pour les réseaux sociaux du ministère de la Santé.

PHOTO : PAGE FACEBOOK DU MSSS

Une vidéo de 16 secondes du rappeur Koriass, filmée à la verticale avec un téléphone(Nouvelle fenêtre), a coûté 34 500 $ à produire.

La comédienne et chanteuse Karelle Tremblay a aussi participé à une vidéo pour la page Facebook du ministère de la Santé, dont la production a coûté 340 000 $. C’est l’agence Cossette qui l’a réalisée.

Cossette a pris la relève de LG2 à partir du mois de mai, dans les contrats du gouvernement. Lorsque nous les avons interrogées, les deux agences nous ont renvoyé vers le Conseil exécutif.

En mai, une publicité de la campagne « On lâche pas(Nouvelle fenêtre) », avec des acteurs inconnus, a entraîné une facture de 245 403 $.

Les trois vidéos Vedettes en choeur(Nouvelle fenêtre) où une trentaine de personnalités, dont Georges St-Pierre, Guylaine Tremblay ou Marie-Mai, se filment elles-mêmes de chez elles, pendant quelques secondes, a été produite au coût de 195 000 $.

La campagne de Noël avec les humoristes François Bellefeuille(Nouvelle fenêtre) et Derek Seguin [version anglaise(Nouvelle fenêtre)] devrait coûter 593 000 $, selon le gouvernement.

Les annonces présentant les témoignages de personnes ayant survécu à la COVID-19 a été payée 337 000 $.

Québec a aussi financé le spectacle télévisuel Une chance qu’on s’a, en mai dernier, pour un montant de 750 000 $.

Le 28 décembre, les quatre grandes chaînes de télévision diffuseront en simultané un grand spectacle baptisé Tout le monde ensemble, qui sera animé par Marie-Lyne Joncas, Pierre-Yves Lord, Jean-Philippe Dion et Véronique Cloutier. C’est le gouvernement qui paiera la facture.

195 000 $ pour des messages automatisés

Dominique Michel

Dominique Michel faisait partie des personnalités invitées à enregistrer un message.

En mars, six vedettes, dont Bernard Derome(Nouvelle fenêtre), Dominique Michel(Nouvelle fenêtre), Véronique Cloutier(Nouvelle fenêtre) et le joueur de hockey Shae Weber(Nouvelle fenêtre), ont prêté leur voix à une campagne d’appels automatisés destinée aux aînés. Il s’agissait d’enregistrer un message audio sur la plateforme Soundcloud, à partir d’un texte déjà préparé.

Les coûts de production de la campagne s’élèvent à 195 000 $ et le montant n’inclut pas les coûts de diffusion, uniquement les honoraires de l’agence de publicité LG2 qui a préparé la campagne, l’enregistrement et les cachets des artistes, le cas échéant.

Selon le gouvernement, certains artistes ont refusé les cachets ou versé l’argent à des fondations ou organismes, mais Québec refuse de dévoiler qui a été payé et combien, car il juge ces informations personnelles et confidentielles.

Payés pour les heures travaillées

Moniteur montrant le visage d'Ingrid Falaise durant une entrevue.

L’auteure et comédienne Ingrid Falaise a participé à une campagne du gouvernement pour sensibiliser les femmes victimes de violence conjugale durant la pandémie aux ressources disponibles.

PHOTO : RADIO-CANADA

L’agente de l’auteure et comédienne Ingrid Falaise indique qu’elle n’a accepté qu’un cachet minimum UDA [Union des artistes]  pour sa participation à une campagne du gouvernement pour sensibiliser les femmes victimes de violence conjugale aux ressources disponibles durant la pandémie.

Aucune des agences que nous avons contactées n’a accepté de nous révéler le cachet de leurs artistes.L’artiste reçoit de l’argent pour les heures travaillées, c’est normal, explique l’agence Goodwin, qui représente, entre autres, Ludivine Reding(Nouvelle fenêtre) et Louise Turcot(Nouvelle fenêtre) qui ont tourné des vidéos pour la page Facebook du ministère de la Santé. Libre à chacun de décider s’il veut être payé ou non, ajoute l’agence.

Deux médecins ont reçu un cachet, une autre l’a refusé

Il installe un masque sur son visage.

Le Dr Alain Vadeboncoeur a réalisé une vidéo de chez lui pour expliquer comment porter un masque.

PHOTO : PAGE FACEBOOK DU MINISTÈRE DE LA SANTÉ DU QUÉBEC

Le Dr Alain Vadeboncoeur a déjà mentionné sur les réseaux sociaux qu’il avait été payé pour la vidéo destinée à la page Facebook du ministère dans laquelle il explique comment porter un masque(Nouvelle fenêtre). Je suis membre UDA, rappelle le médecin, qui explique n’avoir rien négocié et touché le tarif UDA de base. Il mentionne aussi que c’est lui-même qui a fait le cadrage, le tournage, la prise de son, sans supplément.

Le coût total de cette production est de 42 424 $, selon le document du Conseil exécutif, ce qui inclut les honoraires de l’agence LG2. Le médecin a aussi prêté son image à la production d’une publicité télévisuelle de plus grande qualité(Nouvelle fenêtre) qui a coûté 110 907 $.

Le gériatre David Lussier s’est aussi filmé seul, avec son téléphone, pour une vidéo en français et une en anglais destinées aux proches aidants(Nouvelle fenêtre). Coût de production : 21 751 $. J’ai été payé environ 1000 $, indique le Dr Lussier.

De son côté, la Dre Caroline Quach a refusé le cachet pour une production estimée à 88 547 $ à propos de la réouverture des écoles et des services de garde(Nouvelle fenêtre). Tout a été réglé par les communications du CHU Sainte-Justine qui n’ont pas non plus touché les sous, indique-t-elle.

Le psychologue spécialiste de l’éducation Égide Royer a aussi participé à la production d’une vidéo de 30 secondes(Nouvelle fenêtre) du gouvernement à propos de la réussite scolaire en temps de pandémie qui a coûté 99 809 $ à produire. Je n’avais rien demandé, mais il y a eu un cachet, dit l’expert. C’est comme lorsqu’on fait des entrevues à la télévision de Radio-Canada, ajoute-t-il, en rappelant qu’il n’est plus salarié de l’Université Laval.

Des productions « chères payées »

Nous avons partagé les coûts des campagnes à plusieurs acteurs du milieu de la publicité qui ont accepté de nous parler sous le couvert de l’anonymat, car ils ont le gouvernement pour client.

Certains ont trouvé ces productions « très chères payées ». Ils rappellent au passage que ce sont souvent les honoraires des agences de publicité qui font monter les prix.

D’autres estiment que le gouvernement a indirectement choisi de donner un coup de pouce financier aux artistes qui vivent des temps difficiles en lançant cette vaste campagne. Les médias ont aussi profité financièrement de la diffusion de ces publicités.

Des campagnes qui portent leurs fruits, assure Québec

Le gouvernement indique avoir diffusé ces publicités dans 530 médias québécois, dont 75 canaux de télévision, 180 stations de radio, 270 médias imprimés, en plus de 230 panneaux d’affichage et abribus.

Selon des sondages réalisés pour le compte du Conseil exécutif, la campagne atteint un taux de notoriété de 96 %. Ces publicités qui renseignent sur les mesures d’hygiène et de prévention à suivre afin de limiter la propagation de la COVID-19 incitent à respecter les mesures sanitaires pour 96 % des répondants.

Ces résultats sont exceptionnels, particulièrement pour une campagne gouvernementale, dit le Conseil exécutif qui a payé 500 000 $ à la firme de sondage pour réaliser ces analyses.

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